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-Mais pourquoi ai-je accepté de faire une telle chose? se lamente Jonathan pour ce qui doit être la centième fois de la soirée.
-Parce que tu es aussi dérangé que moi, répond Sorci, planté à ses côtés.
Devant eux se dresse fièrement le clocher d’une église, baigné par la lumière maladive de la lune. Jonathan regarde le bâtiment de l’air d’un homme qui s’en va à la potence. Et en même temps, sous toutes les couches de culpabilité et d’horreur, l’humain ne peut s’empêcher de se sentir excité à l’idée de ce qu’ils vont faire cette nuit.
Lui qui pensait que Sorci plaisantait, après l’épisode du crucifix… Mais non, le vampire était mortellement sérieux à l’idée de pécher dans la maison de Dieu.
La simple idée d’entrer dans une église avec de telles pensées fait frissonner Jonathan. Cette fois, c’est sûr, il sera damné pour l’éternité.
-Alors? On y va? demande son amant, maintenant appuyé sur son épaule.
Son souffle froid effleure la joue du clerc de notaire et lui arrache un maigre sourire.
-C’est trop tard pour reculer? demande-t-il.
Sorci hausse les épaules et appuie un baiser au coin de ses lèvres.
-Pas du tout. Je comprendrais que tu ne veuilles pas aller jusqu’au bout. Enfin non, je ne comprendrais pas, mais je ne veux pas te forcer non plus.
-Vraiment?
-De toute façon, même si je voulais te forcer, tu peux me dire comment je pourrais le faire? Je ne peux même pas marcher sur le sol de cette église!
-Donc il va falloir que je te porte, en plus?
Le sourire du vampire serait angélique si ses crocs ne pointaient pas hors de sa bouche avec tant de fierté.
-Je peux toujours me transformer en animal si tu me trouves trop lourd, suggère Sorci, dont les mains viennent s’enrouler autour du bras de Jonathan.
Le geste n’a rien d’anodin: l’humain sait que son amant craint un refus de sa part et tente de le retenir.
Lui-même aimerait pouvoir envoyer promener ce projet de blasphème. Mais comme toujours, il est trop curieux, trop attiré par les ténèbres. Il est tellement plus simple de succomber que de résister…
A la seconde où il soupire et admet sa défaite, le visage entier de Sorci s’illumine. L’autre a même le culot de l’embrasser et de le remercier.
-J’espère que perdre définitivement ma place au Paradis en vaudra la peine, marmonne encore le jeune homme, qui sent les mains de son amant quitter son bras pour venir s’enrouler lâchement autour de son cou.
-Vois l’avantage, on se retrouvera en Enfer, répond le blond.
Et Jonathan ne peut pas s’empêcher de penser qu’en effet, le jeu en vaut la chandelle. Son sourire s’accentue très légèrement et il laisse enfin Sorci se percher dans ses bras, glissant un bras sous les cuisses du blond et l’autre dans son dos. Le vampire est étonnamment léger pour quelqu’un de sa stature, à tel point que l’humain se demande si c’est normal ou dû à sa nature démoniaque.
Enfin, ils pénètrent dans l’église.
Le silence qui règne dans le bâtiment est presque palpable. Jonathan s’en veut de troubler la tranquillité des lieux par le claquement de ses bottes sur les dalles de pierre.
-Et s’il y a encore un prêtre? interroge soudain le clerc de notaire, tous les sens aux aguets.
-Eh bien j’aurais de quoi me désaltérer, rétorque Sorci avec un sourire carnassier.
-Tu ne vas quand même pas tuer un homme de Dieu! s’offusque Jonathan, ce à quoi son amant répond par un regard moqueur.
-Tu serais tellement plus crédible si tu ne t’apprêtais pas à t’envoyer en l’air sur un sol consacré, susurre le blond à son oreille, et Jonathan sent le rouge lui monter aux joues.
L’espace d’un instant, il est tenté de lâcher Sorci et de s’enfuir le plus loin possible de cet endroit. Bien sûr, il n’en fait rien. A la place, il continue d’avancer dans la rangée principale, entre les bancs sur lesquels les fidèles viennent adresser leur prière au Tout-Puissant.
Les statues qui décorent les côtés de la nef semblent suivre le couple du regard et Jonathan a l’impression qu’elles savent , qu’elles ont connaissance de ses intentions.
Dieu ne lui pardonnera jamais le péché qu’il va commettre ce soir. S’il va jusqu’au bout, son âme appartiendra pour de bon aux forces du mal. Pourtant, Jonathan continue d’avancer, resserrant peu à peu sa prise sur son amant, ayant besoin de quelque chose à quoi se raccrocher pour ne pas perdre pied.
Dans ses bras, Sorci se met à s’agiter. Ses sourcils se froncent et un feulement lui échappe.
-Quelque chose ne va pas? demande Jonathan, qui ralentit l’allure.
-Je ne sais pas, marmonne le vampire, la tête appuyée sur son épaule. C’est… étrange. Je me doutais qu’entrer ici serait compliqué mais… Il y a comme une entité qui ne veut pas de moi ici, qui aimerait me chasser.
-Tu m’en diras tant… Tu t’attendais à quoi? Un crucifix te fait déjà mal, alors une église qui en est remplie! D’ailleurs, ne regarde pas devant toi.
Évidemment, Sorci fait le contraire de ce que suggère Jonathan. A la seconde où ses yeux bicolores se posent sur l’énorme croix de bois trônant derrière l'autel, son feulement se mue en cri d’horreur et il se hâte de détourner le regard, haletant.
-On devrait rentrer, chuchote Jonathan, partagé entre le soulagement et la déception à l’idée de rebrousser chemin.
-Pas question, grogne le blond contre son cou. Si je garde les yeux fermés, ça passe. Continue.
-Tu es sûr?
-Certain. J’ai des comptes à régler avec le vieil enfoiré qui vit là-haut, c’est l’occasion ou jamais.
-Vraiment? C’est pour ça que tu m’as amené ici? Pour cracher au visage du Seigneur?
Cette fois, Jonathan s’arrête pour de bon. Les statues continuent de l’épier, la mine sévère. Sorci, pour sa part, se contente de soupirer.
-Pour quelle autre raison aimerais-je faire l’amour dans un endroit pareil?
-Je ne sais pas moi, pour le challenge? Pour soulager tes élans masochistes?
-Bien sûr, il y a de ça aussi. Mais j’ai surtout envie de souiller ce que ce sale type a de plus précieux.
Le regard que Sorci pose sur Jonathan est sans équivoque et le jeune homme déglutit péniblement. Le vampire ne parle pas seulement du lieu, mais bel et bien de l’homme qui le tient dans ses bras. Une fois de plus, Jonathan s'imagine jeter Sorci loin de lui et s’enfuir à toutes jambes. Il n’est pas encore trop tard, du moins l’espère-t-il. Peut-être que s’il rompt maintenant avec les ténèbres, il pourra sauver son âme.
-Oh mais John, ton âme nous appartient déjà, ronronne Sorci à son oreille, avant de laisser ses crocs gratter contre la peau tendre de son cou.
Et le jeune homme sait qu’il a raison. Il a été condamné à la seconde où il a franchi les portes du manoir de Dracula. Le Paradis lui a définitivement fermé ses portes la première fois où il a offert son sang et son corps au vampire qu’il cajole actuellement. Le pire dans tout ça, c’est que Jonathan ne se sent pas plus effrayé que ça à l’idée d’avoir perdu le droit d’aller au Ciel.
C’est terrible, il en a conscience. Mais ça ne lui fait pas aussi peur qu’il le pensait. Il se sent simplement… engourdi.
La gorge serrée, il reprend sa marche, humant le parfum de Sorci, le nez enfoui dans les cheveux ébouriffés de ce dernier.
-Où veux-tu t’installer? finit-il par demander, cherchant un endroit confortable.
Quand il voit Sorci tendre un doigt droit devant lui, Jonathan sent une pierre lui tomber dans l’estomac.
-Sur l’autel, annonce le vampire d’une voix assurée.
Presque contre son gré, les jambes de l’humain se remettent en mouvement et bientôt, il dépose son amant sur le meuble désigné. A peine les fesses du vampire entrent-elles en contact avec le marbre qu’il pousse un nouveau feulement et tente de revenir se cramponner à Jonathan.
-Met au moins ton manteau dessus! siffle le blond. Bon sang, ça fait un mal de chien!
-C’était une mauvaise idée, baragouine Jonathan, qui continue d’obéir malgré lui.
Peu à peu, la culpabilité recommence à l’étouffer. Il ne craint pas d’être damné mais il n’apprécie pas pour autant l’idée de souiller un tel endroit. Tant de gens continuent de venir y prier et de demander de l’aide au Seigneur… Si Jonathan y commet vraiment un péché d’une telle gravité, ce lieu ne risque-t-il pas d’être maudit, rejeté par Dieu?
Quand il fait part de ses inquiétudes à Sorci, ce dernier se contente de hausser les épaules.
-Si ça peut te rassurer, dis-toi que les habitants de ce village seront les prochains à nous servir de repas. Ils n’auront pas le temps de réaliser ce que nous avons fait ici.
A ces mots, Jonathan pense qu’il pourrait pleurer. D’un geste raidi par l’horreur, il retire son manteau de ses épaules et le dispose sur l’autel, adressant un regard désolé au Christ. Le visage tordu de douleur du fils de Dieu est la seule réponse à laquelle il a droit.
Quand il baisse les yeux vers son amant, ce dernier est déjà occupé à se déshabiller, pas plus déphasé que ça par ce qu’il s’apprête à faire.
Voir sa peau couleur de lune se dévoiler peu à peu réveille presque aussitôt la faim de Jonathan, qui se retrouve alors prise dans un duel avec sa honte de ressentir de telles choses en un tel lieu.
-Quand tu auras compris que le type là-haut est le pire salaud que la Terre ait jamais connu, ça sera plus simple, je t’assure, lui dit le blond, dont les longues jambes s’enroulent alors autour de Jonathan comme du lierre parasite et le forcent à se rapprocher de l’autel. Et si tu te mettais plus à l’aise, hm?
Tétanisé, l’humain laisse son compagnon défaire un à un les boutons de sa chemise.
-M’as-tu hypnotisé? demande-t-il dans un souffle, soudain inquiet du manque de réaction de son corps, alors que tout son être réclame à fuir.
Sorci lui offre un regard moqueur.
-En aurais-je eu besoin? répond-il et la gorge de Jonathan se serre un peu plus.
Non, le vampire n’aurait eu aucune raison de lui imposer un contrôle mental. Ce n’est là qu’une autre excuse que Jonathan essaie de se trouver pour justifier son comportement. La vérité est qu’il a voulu venir ici, sans même savoir exactement pourquoi.
Tremblant, il appuie sa tête sur l’épaule de son amant et le laisse continuer de le dévêtir.
Bientôt, sa chemise glisse par terre dans un bruissement de tissu froissé et les longs doigts de Sorci vont aussitôt se perdre dans les lacets de son pantalon.
Tout est toujours aussi calme autour d’eux. En un sens, c’est réconfortant: pas de flammes infernales pour les punir de leurs actes, pas de foule enragée venue leur faire payer leur crime, rien d’autre qu’une sinistre acceptation de la part du monde qui les entoure.
Jonathan se permet même de pousser un petit soupir de soulagement, qui se retrouve avalé par les lèvres tentatrices de Sorci. Sans hésiter, le vampire l’attire à lui, jusqu’à ce que l’humain soit pratiquement allongé sur son amant, lui-même alangui sur l’autel.
Un gémissement étouffé lui échappe quand il sent les doigts glacés de Sorci se glisser sur son sexe encore mou. La faim grandit dans son ventre et il se laisse aller aux bons soins de l’autre homme.
-Quel bon garçon tu fais, fredonne Sorci contre son cou.
Jonathan note avec surprise qu’il ne l’a pas encore mordu, alors qu’il est évident qu’il en meurt d’envie. Tout ce à quoi il a droit est le frottement de crocs pointus sur sa peau, trop léger pour faire couler le sang. Le jeune homme frissonne quand son amant dépose une série de doux baisers le long de sa carotide, comme une promesse de ce qui l’attend plus tard. Pendant ce temps, les mains de Sorci continuent leur exploration et si l’une d’elle continue de taquiner le pénis de l’humain, la seconde, elle, va se perdre derrière Jonathan. Ce dernier glapit lorsque les griffes du blond se plante dans la chair tendre de sa fesse et l’attirent toujours plus loin sur l’autel.
-J’ai envie de prendre mon temps ce soir, dit encore le vampire.
-Tout ce que tu veux, répond Jonathan d’une voix chevrotante, alors que Sorci glisse délicatement un ongle sur la fente de sa verge.
Au vu de l’état dans lequel il se trouve, le clerc de notaire pense qu’il est prêt à accepter le moindre caprice de son compagnon, pourvu que ce dernier ne le lâche pas, ne s’éloigne pas de lui. Il s’est trop enfoncé dans les ténèbres et si Sorci l’y laissait seul maintenant, il ne parviendrait sans doute pas à revenir à la surface.
-Toujours aussi sensible, continue de ronronner le plus âgé, amusé.
Sans prévenir, il lâche le sexe maintenant tendu de Jonathan. Le jeune homme ouvre la bouche sur une plainte frustrée, qui est interrompue par un cri de douleur.
Baissant les yeux, il réalise que son manteau a glissé sur la dalle de marbre, laissant la peau tendre du dos de Sorci entrer en contact avec la pierre. Le vampire se redresse aussitôt, haletant. Blotti comme il est contre le blond, Jonathan sent la vulve de ce dernier se contracter contre son entrejambe.
Avant de réaliser ce qu’il fait, l’humain pose soudain ses mains sur les épaules de son amant et le force à se rallonger. Sorci lui jette un regard où brillent un savant mélange de peur et d’excitation. L’instant d’après, il se remet à crier et se débattre sous son cadet. Seulement, les trémolos de sa voix le trahissent: il aime la douleur qui irradie de son dos.
-Toujours aussi sensible, murmure Jonathan à son oreille, faisant écho aux propres mots du vampire.
Les yeux de Sorci s’écarquillent alors que le jeune homme finit d’arracher son manteau de l’autel. Jonathan ne sait même pas d’où lui vient cette soudaine envie de faire mal à son amant. Il se sent comme cette nuit où il a surpris Mina dans les bras du comte Dracula, partagé entre l’horreur de perdre un être cher, la jalousie de le voir pendu au cou d’un autre et le désir de les voir poursuivre leur étreinte maudite.
Ici, dans cette église perdue au milieu des bois, ce mélange d’émotions revient le frapper de plein fouet.
L’effroi que lui inspire le sacrilège qu’ils sont en train de commettre, la colère d’avoir été mené ici par son amant et la faim dévorante qu’il ressent pour ce corps si accueillant.
Ne tenant plus, Jonathan finit par grimper à son tour sur l’autel, le cœur au bord des lèvres. Sous lui, Sorci continue de s’agiter en tous sens, la bouche grande ouverte sur une série de plaintes aiguës.
Posant une main sur son ventre, l’humain force son compagnon à s’appuyer davantage sur le marbre glacial. La voix de Sorci s’envole toujours plus haut, jusqu’aux clés de voûtes de l’église.
Leurs étreintes sont rarement douces, notamment à cause du tempérament fougueux du vampire, mais celle-ci promet d’atteindre des sommets de violence inimaginables. Au fond de lui, Jonathan s’en réjouit.
-John! finit par scander son amant. Tulipe, tulipe!
Le jeune homme reprend aussitôt ses esprits et se hâte de soulever l’autre homme, de sorte qu’il se retrouve assis sur ses genoux.
“Tulipe” est le mot qu’ils ont pris l’habitude d’utiliser pour signaler que ça va trop loin. A contrario de Jonathan, Sorci ne l’a jamais prononcé. Un élan de culpabilité traverse le clerc de notaire alors qu’il réalise être allé trop loin. Sans réfléchir, il passe le bout de ses doigts dans le dos du vampire et sent sa gorge se serrer lorsqu’il sent la chair calcinée de son amant.
-Bon sang, s’étrangle-t-il. Je suis désolé, je n’avais pas réalisé, je…
Sorci le fait taire d’un baiser et l’humain gémit quand les crocs du blond lui percent la langue. Quand le vampire recule, ses lèvres sont maculées de sang, qu’il lèche avec gourmandise. Il n’y a aucune colère sur son visage, aucune douleur dans ses yeux. Sous sa main, Jonathan peut déjà sentir sa peau cicatriser et redevenir une étendue lisse, sans la moindre imperfection.
-Ne t’excuse pas, dit simplement le vampire. On va juste remettre ton manteau, si tu veux bien…
-T… Tout de suite!
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le tissu est suffisamment épais pour ralentir les effets néfastes de la pierre sacrée et Sorci n’hésite pas longtemps avant de s’y allonger. Jonathan, qui est descendu de l’autel le temps de réinstaller son vêtement dessus, sent sa faim éclater à la vue des jambes grandes ouvertes de son compagnon. Ce dernier lui offre un sourire taquin et lui fait signe d’avancer.
-Tu attends une invitation? susurre-t-il et le jeune homme trébuche presque sur son pantalon, tant il s’approche précipitamment. Tu sais que seuls les vampires ont besoin d'une telle chose pour entrer quelque part...
Jonathan ne peut retenir le maigre sourire qui fleurit sur son visage au trait d'humour de son compagnon. Qui d'autre que Sorci peut se permettre de faire des blagues dans un moment pareil? Seulement, l'heure n'est plus à la plaisanterie et ils le savent tous les deux. Jonathan s'avance donc comme le lui ordonne le vampire.
S’apprêtant à utiliser sa bouche pour offrir du plaisir à son aîné, l’humain est surpris de sentir le blond saisir son sexe à pleines mains et le guider vers sa vulve.
Jamais Sorci ne s’est allongé pour lui de cette façon, pas pour la pénétration en tout cas. Jonathan ne l’a jamais questionné à ce sujet et n’en a jamais été dérangé. Mais ce soir, le vampire semble vouloir faire les choses différemment en de nombreux points.
-Baise-moi, ordonne Sorci, dont les canines aiguisées planent à nouveau juste au-dessus de la peau de Jonathan. Baise-moi devant Dieu, célèbre notre union dans ta maudite foi comme tu en rêves… Allez!
Et le jeune homme ne peut que se plier aux ordres qu’il reçoit. D’un seul coup de bassin, il enfouit sa verge jusqu’à la garde dans le sexe de son compagnon. Ils gémissent de concert, Sorci lui déchire les épaules de ses griffes et Jonathan lui broie les hanches avec ses mains.
Comme l’humain l’avait prédit, leur étreinte n’a absolument rien de doux. Ils se griffent, se mordent et s’agitent comme des bêtes sauvages.
Parfois, les yeux de Jonathan se lèvent vers le grand crucifix dans le dos de Sorci et se posent sur le visage désapprobateur du Christ. Lorsque cela arrive, ses va et vient à l’intérieur du vampire redoublent d’intensité, la rage au creux de son ventre s’enflamme et le jeune homme sent les ténèbres s’intensifier autour de lui.
Voilà ce que le Seigneur a permis qu’on lui fasse subir. Voilà ce que Dieu avait prévu pour lui. Voilà à quoi Jonathan est réduit.
Une créature dévorée par ses instincts, habitée par les ombres, avide de goûter toujours plus aux baisers du Malin.
Ce dernier n’est plus que gémissements désormais, le corps cambré vers le ciel. Tendant un bras derrière sa tête, le vampire agrippe la base du crucifix. Sa paume s’enflamme aussitôt alors que le bois craque dans sa poigne mortelle. Fou de douleur et de plaisir, Sorci hurle.
Allongé ainsi sur l’autel, dévoré par la colère de Dieu en personne, le démon ressemble à un sacrifice, offert au Seigneur par Jonathan, en guise d’excuse pour ses péchés.
Mais l’humain n’a aucunement l’intention d’abandonner son amant au Ciel. Ses propres mains viennent se glisser sous la tête du vampire et le forcent à se redresser, jusqu’à ce que son visage soit pressé contre son cou.
-Mords-moi, dit-il sans ralentir le rythme dément de coups de hanches. Maintenant!
L’esprit embrumé, Sorci met un moment à réagir. Enfin, Jonathan le sent accéder à sa requête. Un halètement de félicité lui échappe quand les crocs de son amant déchirent sa peau.
Là aussi, la morsure semble différente de d’habitude. Plus violente, bien sûr, mais il y a autre chose. A l’instant où le vampire prend une première gorgée de sang, Jonathan se sent défaillir.
C’est comme s’il se mettait soudain à brûler de l’intérieur, que quelqu’un versait de l’or fondu dans sa gorge. Le mal se répand, gagne chacun de ses membres, incendie ses organes et détruit le peu de raison qu’il lui reste.
Son manteau a de nouveau glissé, Sorci se remet à chanter sa souffrance, mais Jonathan ne l’entend pas.
Au fond de lui, les ténèbres explosent et finissent de le consumer.
Le vagin glacial du vampire se met à palpiter furieusement autour de son sexe, l’air se charge d’électricité et l’humain se sent mourir.
Dehors, un éclair tombe non loin de l’église et Jonathan sent qu’il jouit.
L’obscurité se fait aussitôt autour de lui et il perd connaissance.
Pas longtemps du moins. Quelques secondes après, il a déjà repris ses esprits. Le monde autour de lui semble avoir changé tout en restant le même. Tout semble plus détaillé, les couleurs plus nettes, il peut ressentir le moindre frémissement de l’air autour de lui, de même qu’il peut éprouver l’humidité du sexe de Sorci dans laquelle il est encore enfoui.
-Tulipe, baragouine d’ailleurs le vampire d’une voix rauque et c’est comme s’il n’était lui-même pas convaincu de l’utilité de ce mot.
Jonathan l’aide tout de même à se redresser et récupère son manteau pour l’enrouler autour des épaules du blond.
Le silence qui règne dans l’église n’a plus rien de réconfortant désormais. C’est surnaturel, l’univers lui-même semble retenir son souffle.
-C’était… wow, dit encore Sorci, qui étouffe un rire contre le cou de son cadet.
Ce dernier le laisse faire, trop sonné par le déluge d’informations qui lui tombe dessus. L’espace d’un instant, il pense qu’il va s’effondrer, mais ses jambes tiennent bon et il se contente de rester là, enlaçant toujours le vampire.
Ce n’est qu’après quelques minutes qu’il réalise quelque chose: ses pieds lui font mal.
Vraiment mal.
En fait, c’est comme s’ils brûlaient.
Jonathan tressaille et en éloigne un du sol, pris par surprise. Contre lui, Sorci siffle au mouvement soudain.
-Mais qu’est-ce qui te prend? grogne le blond.
-Je ne sais pas, j’ai l’impression de marcher sur des braises tout à coup, répond Jonathan.
Le vampire, qui semblait prêt pour faire une petite sieste dans ses bras, alors même que l’humain ne s’est pas encore retiré, relève aussitôt la tête pour le regarder bien en face.
-Comment ça? s’étonne-t-il.
-Je te l’ai dit, je ne sais pas d’où ça vient, dit Jonathan.
Les yeux de Sorci glissent aussitôt vers ses lèvres et le jeune homme les voit s’écarquiller de façon presque comique. Un hoquet ahuri échappe au vampire tandis qu’il pose ses deux mains sur sa bouche.
Jonathan ne l’a jamais vu aussi stupéfait.
-Quelque chose ne va pas? insiste-t-il quand l’autre tombe dans le mutisme le plus total.
Autour d’eux, le calme de l’église devient peu à peu oppressant. Jonathan a l’impression qu’une force inconnue tente de le pousser vers la sortie, sans qu’il parvienne à savoir d’où elle vient exactement.
Au lieu de répondre, Sorci passe un doigt contre les lèvres du plus jeune et ce dernier est obligé d’ouvrir un peu la bouche pour le laisser faire. A la seconde où ses dents entrent en contact avec la peau veloutée du blond, Jonathan comprend.
-Est-ce que ce sont… baragouine-t-il.
-Des crocs, confirme Sorci. Putain de merde.
-Tu… Tu as… Ne me dis pas que tu…
-Je crois bien que si.
La brûlure dans la plante de ses pieds s’intensifie, de même que la sensation de suffoquer. Au-dessus de la tête de Sorci, Jonathan peut voir le visage du Christ. Sa grimace douloureuse semble soudain se moquer de lui et le jeune homme se met à trembler.
Tout au fond de lui, une nouvelle sorte de faim fait son apparition.
Une faim de sang.
-Tu m’as transformé en vampire! hurle le clerc de notaire.
Pour toute réponse, Sorci éclate de rire.
